CARDINAUX (COLLÈGE DES)

CARDINAUX (COLLÈGE DES)
CARDINAUX (COLLÈGE DES)

CARDINAUX COLLÈGE DES

Électeurs exclusifs du pape depuis le IIIe concile du Latran de 1179 (can. 1), les cardinaux (du latin cardo , gond) sont devenus et demeurent, selon le Code actuel de droit canonique, «le sénat du pontife romain: ils l’assistent comme ses principaux conseillers et aides dans le gouvernement de l’Église» (can. 230).

Contrairement à l’épiscopat, au presbytérat ou au diaconat, qui remontent aux tout premiers temps de l’Église et qui sont conférés par ordination sacramentelle, le cardinalat est une institution de pur droit ecclésiastique. C’était, à l’origine, un collège de clercs représentatifs du diocèse de Rome, comprenant les prêtres responsables des églises de quartier, appelées titres, et les diacres supervisant la bienfaisance dans une région de la ville, auxquels s’ajoutaient les six évêques des diocèses les plus proches de Rome, ou suburbicaires. L’élection exclusive du pape fut dévolue à ce collège au moment où, dans tous les diocèses de la chrétienté, on excluait les laïcs et les clercs inférieurs du corps électoral à qui revenait le choix de l’évêque, le chapitre des chanoines détenant désormais ce droit. Sous cette forme réduite se trouva sauvegardé, à Rome aussi, le principe qui demeura en vigueur jusqu’en 1917, du moins dans la législation écrite de l’Église catholique, et selon lequel il revenait à toute Église d’élire son évêque.

Entre la fin du XIIe siècle et le milieu du XVIe siècle, le Sacré Collège occupa une position ecclésiologique privilégiée: étroitement associé aux prérogatives du pape (pars corporis papae ), il prétendait à la succession du collège apostolique, dévaluant ainsi le collège épiscopal. À la faveur de la Contre-Réforme, la papauté se libéra de la puissance du Sacré Collège, réduisit sa signification théologique et circonscrivit son importance administrative, sans la diminuer, en substituant aux consistoires le système des congrégations cardinalices comme structure fondamentale de la curie romaine. Cependant, nombre de cardinaux ne résidaient pas à Rome ou y étaient comme ambassadeurs de leur nation. Parfois, ils demeuraient des personnages essentiellement politiques, s’abstenant d’entrer dans les ordres. Ainsi, à sa mort, Mazarin n’était-il toujours qu’un simple tonsuré.

En revalorisant l’épiscopat et en s’abstenant de mentionner, fût-ce une fois, le cardinalat, le IIe concile du Vatican pouvait laisser prévoir le déclin d’une institution sans fondements théologiques contraignants, d’autant plus qu’à sa demande était créé un synode d’évêques auprès du pape, dans l’espoir de renforcer les prérogatives du collège épiscopal face au collège cardinalice, émanation curiale par excellence. Mais, jusqu’ici, la papauté n’a pas manifesté de telles intentions. Au contraire, par une série de réformes dont certaines altèrent le sens original de l’institution, elle s’est attachée à mieux en garantir l’avenir.

Déjà Pie XII avait enlevé aux Italiens la majorité qu’ils avaient toujours détenue au sein du collège cardinalice, sauf au temps de la papauté d’Avignon, pour que, dit-il, y «soient représentés le plus grand nombre possible d’origines et peuples, et que le Sacré Collège soit par conséquent une image vivante de l’Église universelle». Théoriquement représentatif du clergé romain, le cardinalat tend à devenir une représentation de l’Église universelle. Le pape Jean XXIII, pour sa part, décida précisément que tous les cardinaux seraient ordonnés évêques. Jusqu’à lui, certains d’entre eux demeuraient prêtres (et même diacres, jusqu’en 1905), comme il était normal pour une institution enracinée dans le diocèse de Rome. Quelles qu’aient été les motivations de cette décision (avant tout protocolaires, semble-t-il), son résultat fut de dissoudre les derniers liens du cardinalat avec le clergé romain au bénéfice d’une conception universaliste de ce collège. Paul VI accentua consciemment une telle évolution en appelant plusieurs patriarches orientaux catholiques au cardinalat sans leur conférer le titre qui, au moins symboliquement, les insérait dans l’Église de Rome. En 1973, le même pape faisait part de son intention d’adjoindre au collège cardinalice, pour le conclave, outre les six patriarches uniates, tous les membres du secrétariat général du synode auprès du pape qui ne seraient pas cardinaux, mais sans prendre immédiatement des décisions à cet égard. Il reprenait ainsi une suggestion de certains évêques et théologiens, désireux de voir élire le pape par une représentation de l’épiscopat mondial et peut-être de voir accéder ainsi un non-Italien à cette charge.

Le cardinalat a donc connu une considérable évolution; si elle devait se continuer dans la même ligne, elle apparaîtrait comme une véritable mutation aux yeux de l’historien et du théologien. Faire élire le pape par une représentation de l’épiscopat semble, au premier abord, une mesure d’équilibre des pouvoirs puisque déjà, en droit du moins, le pape nomme lui-même tous les évêques de l’Église latine (can. 329). Mais cette innovation ne peut que renforcer l’ecclésiologie qu’elle prétend corriger. Alors qu’il faudrait, à la suite du IIe concile du Vatican, redécouvrir l’Église universelle comme une communion d’Églises locales, cette mesure laisserait entièrement dans l’ombre le caractère local de l’Église de Rome, tout comme elle effacerait l’enracinement local du ministère universel de Pierre: n’est-ce pas concevoir l’universalité propre à l’Église sur un modèle unitaire et selon des critères de géographie? Si le pape est élu par une représentation de l’épiscopat entier comprenant les patriarches orientaux, ne risque-t-il pas d’apparaître comme l’évêque de l’Église universelle, voire l’évêque des évêques? La foi catholique ne lui a, pourtant, jamais reconnu pareils titres. Pour l’ecclésiologie traditionnelle, commune à l’Orient et à l’Occident, on ne voit pas quel sens cela aurait pour les patriarches d’Alexandrie et de Constantinople d’élire l’évêque de Rome; la même ecclésiologie exigerait, en revanche, que les Romains soient associés d’une façon ou d’une autre au choix de leur évêque.

Les hésitations de Paul VI s’expliquent: si l’orientation finalement prise allait dans le sens de l’universalisation systématique du Sacré Collège, elle accentuerait une interprétation déterminée de la catholicité de l’Église et de la primauté papale qui fait déjà question dans le catholicisme et qui, de surcroît, rendrait plus difficile la reconnaissance du ministère de Pierre par l’Orient chrétien. Mais il est certain qu’un pape élu à partir d’une assiette géographique véritablement universelle aurait plus de poids à l’intérieur de l’Église aussi bien que dans le monde.

D’autres réformes, sans conséquences ecclésiologiques, ont été introduites dans le cardinalat par les papes Jean XXIII et Paul VI: le nombre de soixante-dix membres fixé par Sixte Quint en 1586 est dépassé (ainsi, après le consistoire de Paul VI en mars 1973, y avait-il cent quarante-cinq cardinaux); les charges de doyen et de vice-doyen sont rendues électives; et, surtout, ceux qui ont quatre-vingts ans accomplis perdent le droit de vote (motu proprio de 1970).

Le rôle du collège des cardinaux est aujourd’hui réduit, tandis que grandit celui du synode des évêques — les consistoires sont rares. Mais les missions confiées aux cardinaux demeurent importantes.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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